COMMENTAIRE DE RAEL :
C’est exactement ce que j’ai dit il y a longtemps.
Prompts à railler les « oligarques » russes, la « dictature » chinoise, nos médias occidentaux ne tarissent pas de poncifs tout faits pour la « première démocratie du monde » américaine. Une idée reçue balayée par une étude réalisée au sein de la vénérable université de Princeton révélant la réalité de loligarchie américaine.
Qui gouverne aux Etats-unis ? Quel type de régime connaît la première puissance mondiale ? Le discours de la Guerre froide nous imprègne tellement quil nous est difficile de ne pas répondre : une démocratie.
Le sens des mots étant dévoyé, il convient de rappeler quune démocratie est un régime où si on reprend la définition classique du président américain Lincoln il y a « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».
Le contraire de démocratie nest donc pas dictature (idéologie de Guerre froide oblige) mais bien oligarchie. Il peut donc très bien y avoir des « dictatures du peuple » et des « oligarchies constitutionnelles ».
La question prend une nouvelle tournure avec létude réalisée par un universitaire de Princeton Martin Gilens, assisté dun autre professeur de Northwestern university Benjamin Page : « Testing theories of American politics : elites, interest groups and average citizens ».
Pour simplifier, ce travail vise à répondre à la question qui divise la science politique américaine depuis un demi-siècle :
Thèse 1 les Etats-unis sont une démocratie caractérisée par le pluralisme, où les intérêts privés concordent avec lintérêt général, le gouvernement de la majorité avec le respect des minorités thèse dite de la « démocratie électorale majoritaire » ou du « pluralisme majoritaire ».
Thèse 2 Les Etats-unis sont une oligarchie caractérisée par un « pluralisme biaisé » où certains groupes dintérêts, les élites économiques, ont le pouvoir dinfluencer la politique américaine dans le sens de leurs intérêts particuliers, au détriment de lopinion de la majorité.
Si la première thèse a été majoritaire pendant toute la Guerre froide, synthétisée par Robert Dahl, la seconde résumée par C.Wright Mills pointant la « Power elite » américaine, reprise récemment par Michael Parenti dans sa « Democracy for the few » se révèle de plus en plus pertinente au vu de lévolution de la politique américaine depuis trois décennies.
La méthode du professeur Gilens consiste concrètement à étudier 1 779 cas entre 1981 et 2002 où il est possible à la fois dobtenir des sondages sur lavis de la majorité des Américains, de lélite économique et des groupes dintérêts les puissants (avant tout économiques), et de mesurer combien ladoption dune loi sur ce sujet, ou son blocage, reflète les intérêts de tel ou tel groupe social.
Ces projets de loi, changements de politique ont avant tout trait aux questions économiques et sociales principalement autour de nouveaux impôts, dexonérations fiscales, ou de réformes des systèmes sociaux mais aussi sociétales port darmes, peine de mort, avortement.
Impuissance du peuple américain, toute-puissance de lélite économique
Tout dabord, létude part de létude des motivations des trois acteurs étudiés (la majorité des Américains, lélite économique, les groupes dintérêts) et constate que les motivations des « groupes dintérêts », avant tout liés au patronat américain, à lélite économique, sont souvent opposées à celles de la majorité de la population américaine.
Qui lemporte ?
Laissons parler les chercheurs : « limpact estimé des préférences de lAméricain moyen tombe à un niveau insignifiant, proche de zéro. Ce nest pas que les citoyens ordinaires nont pas seuls un pouvoir important sur les décisions politiques, ils nont en fait aucune influence du tout.
En revanche, les élites économiques ont un impact important, significatif, indépendant sur les politiques menées. De la même façon, les groupes dintérêt organisés se révèlent avoir une influence substantielle sur les politiques poursuivies ».
Cette affirmation, les chercheurs américains le justifient par un calcul simple : si on neutralise les motivations de lélite économique, limpact de lopinion populaire sur ladoption dun changement de politique est nul.
Que les citoyens approuvent massivement un projet de loi (à 90 %), ou quils le rejettent tout aussi massivement (10 % dadhésion), la probabilité que ce projet devienne une loi est de lordre de 30 %.
Dans lautre sens, si les élites économiques sont massivement opposées (10 % dadhésion) à un changement de politique (ex : de nouveaux impôts pénalisant les riches), celui-ci na que très peu de chances pas plus de 5 % dêtre adopté.
Si les élites économiques apportent un soutien massif à un projet (plus de 90 %), comme par exemple ceux portant sur des exonérations fiscales, la probabilité que ce changement politique soit acté dépasse les 50 %.
Une démocratie pour les riches
Les chercheurs nuancent lidée : « cela ne signifie pas que le citoyen moyen perd systématiquement dans ce système ». Et ils donnent deux exemples, illustrant bien le biais en faveur des plus riches :
1 « quand les préférences des citoyens moyens sont conformes à celles des élites économiques, alors les citoyens moyens obtiennent ce quils veulent, même si ils ne sont pas à lorigine de la victoire ».
Quand la bourgeoisie américaine est arrivée à imposer ses préoccupations à la majorité de la population (ex : la propagande sur les baisses dimpôt, sur les fraudeurs à la Sécurité sociale), le peuple peut gagner une victoire. Prime à lidéologie ultra-libérale !
Même si les chercheurs rappellent que « les questions sur lesquelles élites économiques et citoyens ordinaires sont en désaccord restent importantes : restrictions commerciales, politiques fiscales, réglementation sur les entreprises, avortement, religion et les pertes politiques enregistrées par les citoyens sont loin dêtre anodines ». Pour le moins !
2 les chercheurs notent que le système politique américain basé sur le fédéralisme, la séparation des pouvoirs, le bi-caméralisme « introduit un certain biais au statu-quo ».
« Quand des majorités politiques sont en faveur du statu quo, sopposent à un changement de politique, elles peuvent arriver à leurs fins. Mais quand ces mêmes majorités même très largement veulent le changement, elles risquent de ne pas lobtenir ».
Ainsi, quand une majorité de la population veut un changement de politique concret, elle nobtient gain de cause que 30 % des cas. Même quand il sagit dune majorité écrasante (plus de 80 % dadhésion), le taux dadoption dun projet de loi ne dépasse pas 43 %. Prime au conservatisme !
Les limites de lenquête, une sous-estimation du pouvoir des 1 % !
Les chercheurs sont eux-mêmes lucides sur les limites de leur enquête.
En premier lieu, leur définition dun côté peut-être trop extensive de la définition d « élites économiques » : 10 % les plus riches en termes de revenus un chiffre qui pourrait être réduit à 1 %, ou au 1 % des détenteurs de patrimoine.
Deuxièmement, la définition peut-être trop restrictive des « groupes dintérêt » réduite ici à une trentaine de groupes de pression, là où des centaines influencent la vie politique américaine, locale ou nationale.
Paradoxalement, cette auto-critique irait plutôt dans le sens, dans cette enquête, dune minimisation du pouvoir des plus riches, de lélite économique sur les décisions politiques. Une analyse plus fine révélerait sans doute des corrélations plus directes entre certains acteurs et les décisions prises.
Ce qui est certain pour les responsables de lenquête, cest que la majorité de la population na et naurait de toute façon aucune influence sur le processus politique.
Cest la conclusion à laquelle arrivent les chercheurs sur lavenir de la démocratie en Amérique : « dune part, ce que nos chiffres révèlent, cest que la majorité ne gouverne pas aux Etats-unis. Quand une majorité de citoyens est en désaccord avec les élites économiques, elle perd ».
Selon les auteurs, en guise de conclusion : « nous pensons que si le processus de décision politique est dominé par de puissantes organisations patronales et un petit nombre dAméricains très riches, alors les prétentions de lAmérique à être une société démocratique sont sérieusement menacées ».
On se souvient des mots de Lénine, dans lEtat et la Révolution : « La société capitaliste nous offre une démocratie plus ou moins complète. Mais cette démocratie est toujours confinée dans le cadre étroit de lexploitation capitaliste et, de ce fait, elle reste toujours, quant au fond, une démocratie pour la minorité, uniquement pour les classes possédantes, uniquement pour les riches ».
On pourrait citer également lavertissement de Thomas Jefferson à la fin de sa vie, en 1825, dans une lettre à William Branch Giles :
« il y a désormais des parvenus, qui nont que mépris pour les valeurs démocratiques de 1776, et qui ont acquis un pouvoir formidable : ils visent désormais à être une aristocratie, basée sur le pouvoir des institutions bancaires et des grandes entreprises, se drapant derrière leurs succès dans lindustrie et le commerce pour mieux dominer le travailleur spolié et le paysan paupérisé ».
Au vu de la situation de la démocratie en Amérique, combien les analyses de Lénine et les inquiétudes de Jefferson sont vérifiées aujourdhui : dernière le vernis démocratique, la même domination étriquée et plus puissantes des plus riches, dune infime minorité !
Do not kill, Love your neighbor
RAEL’S COMMENT: Every day, one-hundred new atomic bombs are made, by people who go to church, or temples. But they make it. We can avoid …